Le terme de dysmorphologie a été introduit par David Smith en 1966 pour décrire l'étude des anomalies morphologiques et des malformations. Plus de 2500 syndromes dysmorphiques ou malformatifs d'origine génétiques sont actuellement reportés (voir photos)
L'examen dysmorphologique constitue donc une étape clé du diagnostic génétique.
METHODOLOGIE
Introduction
L'examen clinique en dysmorphologie est essentiellement descriptif. Néanmoins, il ne constitue pas une simple reconnaissance subjective de traits considérés comme familiers ou déjà vus (cet enfant a « une drôle de bouille »). Au contraire, cet examen repose sur une analyse méthodique, rigoureuse et successive de tous les éléments physiques externes, en particulier du visage et des extrémités. Il recherche des anomalies majeures telles les malformations ayant un retentissement majeur, mais aussi des anomalies mineures, habituellement sans conséquence sur le développement de l'enfant. Ces anomalies mineures constituent des variations physiques morphologiques, souvent banales, parfois familiales (l'examen des apparentés de l'enfant, notamment parents et frères et s?urs est donc essentiel) mais qui peuvent aussi orienter vers un syndrome particulier. Les difficultés de cet examen sont accentuées chez les patients d'origine non caucasienne. En effet, l'?il du médecin est d'une part moins exercé dans ces populations, d'autre part, les abaques de référence de certaines mesures font habituellement défaut.
Les photographies font partie intégrante de l'examen dysmorphologique et doivent faire l'objet d'un consentement écrit du patient ou de son représentant légal.
Elles sont indispensables :
- A la reconnaissance immédiate de l'enfant lors de l'analyse de son dossier (reconnaissance visuelle que ne permettrait pas une simple description textuelle des différents signes)
- A l'analyse des modifications du morphotype avec l'âge : le généticien est de plus en plus sollicité pour le diagnostic étiologique d'adultes handicapés. Les éléments morphologiques, évoluant avec l'âge, sont moins faciles à reconnaître et retrouver des photographies prises pendant l'enfance peut s'avérer très utile.
- A la discussion entre confrères du dossier de ce patient.
L'examen physique doit être général puis par région anatomique
Aspect morphologique général
- Mesures standards (taille, poids, périmètre crânien)
- Morphotype général (aspect trapu, longiligne, type de surcharge pondérale)
Régions anatomiques
1 - Crâne
Le crâne est étudié dans ses formes et ses dimensions, de face de profil et en vue supérieure. La palpation des sutures est indispensable chez le jeune enfant. Ces données cliniques peuvent être confrontées aux radiologies voire au scanner crânien.
Le périmètre crânien est mesuré et permet de définir la macrocéphalie (PC supérieur à + 3 DS) et la microcéphalie (PC inférieur à - 3 DS). Des anomalies de la forme du crâne sont parfois mineures, à la limite du physiologique (dolichocéphalie de certains enfants prématurés, occiput plat des nourrissions dorénavant couchés sur le dos) ; d'autres correspondent à de véritables malformations à type de crâniosténoses (scaphocéphalie, brachycéphalie, trigonocéphalie, plagiocéphalie. Les anomalies des fontanelles et sutures sont notées : fontanelles très larges comme dans le syndrome de Zellweger ou la dysplasie cléido-crânienne, fontanelle non perçue dans les microcéphalies sévères et certaines crâniosténoses, asymétrie crânienne dans le cadre d'une crâniosténose
2 - Face
L'aspect général est noté : forme ronde, carrée, ovalaire, triangulaire, large, étroite, allongée, étroite, existence de trais grossiers. La mobilité des traits doit être recherchée: paralysie faciale, diplégie faciale, visage amimique dans certaines maladies neuro-musculaires.
Etage supérieur de la face (front et yeux)
L'examen commence par l'aspect général du front. Est-il large ou étroit (rétraction bitemporale présente dans le syndrome de Noonan ou le syndrome de Pallister-Killian), haut ou bas, bombant ou fuyant (pouvant traduire une microcéphalie ?). L'implantation des cheveux sur le front est décrite, haute ou basse, avec un épi frontal (comme dans le syndrome G d'Opitz) ou des globes temporaux (comme dans le syndrome de Pallister-Killian).
La région péri-orbitaire est examinée. Un enfoncement des orbites par diminution du tissu adipeux péri-orbitaire peut témoigner d'un syndrome de Cockayne ; à l'inverse, les enfants présentant un syndrome de Williams présentent fréquemment un ?dème péri-orbitaire. L'aspect des sourcils est important : sont-ils très fins voire absents ou au contraire très fournis ? Quelle est leur forme, horizontale, ou au contraire très arqués ? Des sourcils absents peuvent orienter vers une dysplasie ectodermique. Des sourcils épais, très arqués sont habituels dans le syndrome de Cornelia de Lange ou dans le syndrome d'alcoolisation f?tale. Un synophris (fusion des sourcils sur la ligne médiane) est classique dans le syndrome de Cornelia de Lange. Les enfants présentant une microdélétion 1p36 ont classiquement des sourcils horizontaux près des yeux. Un ptosis ou chute de la paupière supérieure, uni ou bilatéral, est fréquent dans le syndrome de Noonan.
La région oculaire comprend les fentes palpébrales, les orbites, les globes oculaires et les cils.
Un hypertélorisme (habituel dans le syndrome de Noonan, dans le syndrome G d'Opitz) est défini par une augmentation de la distance inter-pupillaire, volontiers associé à une augmentation de la distance intercanthale externe. Un hypotélorisme (diminution de la distance inter-pupillaire) est fréquent dans la trisomie 13 et dans les syndromes avec holoprosencéphalie. Une augmentation de la distance intercanthale interne sans augmentation de la distance intercanthale externe traduit une dystopie canthale ou télécanthus, typique du syndrome de Waardenburg. En pratique courante, l'on considère souvent que l'écart entre les deux yeux est normal s'il correspond à la distance intercanthale d'un ?il. Une mesure précise de l'espace inter-orbitaire peut nécessiter un examen radiologique.
Des fentes palpébrales étroites (diminution de la distance intercanthale) ou blépharophimosis sont fréquentes dans le syndrome d'alcoolisation f?tale.
L'existence d'un épicanthus (repli palpébral au niveau du canthus interne donnant l'aspect d'une troisième paupière) est fréquente chez le nouveau-né et dans certaines populations, asiatiques en particulier. Un épicanthus peut conduite à une fausse-impression de strabisme convergent ou d'hypertélorisme. L'épicanthus est fréquent dans les anomalies chromosomiques, notamment la trisomie 21.
L'orientation des fentes palpébrales est un élément capital de l'examen de la face. Habituellement horizontales, une orientation en haut et en dehors (mongoloïde) est habituelle dans la trisomie 21. A l'inverse, une orientation en bas et en dehors (anti-mongoloïde) peut se rencontrer dans le syndrome de Noonan.
Les cils sont également analysés ; leur implantation anormale, notamment une absence de cils au tiers interne de la rangée inférieure, oriente dans le cas d'une dysostose acro-faciale vers le syndrome de Treacher-Collins ou syndrome de Franceschetti. Une double rangée de cils (distichiasis) peut orienter vers le syndrome lymphoedème-distichiasis. Un ectropion ou un entropion doivent également être recherchés. Une éversion de la paupière inférieure peut orienter vers un syndrome de Kabuki.
Des anomalies du globe oculaire sont recherchées microphtalmie (rencontrée dans certaines anomalies chromosomiques, trisomies 13 et 18 notamment). Une buphtalmie ou une mégalocornée doivent faire craindre un glaucome congénital. Une énophtalmie (enfoncement de l'orbite) peut faire évoquer un syndrome de Cockayne, une exophtalmie ou protrusion externe du globe oculaire fait rechercher une hyperthyroîdie.
L'aspect de l'iris est analysé. Existe-t-il un colobome irien (fente irienne donnant un aspect d' « ?il de chat ») possiblement évocateur d'un syndrome CHARGE ou d'un syndrome Cat-eye. Quelle est la coloration de l'iris (celle-ci n'évolue plus après l'âge de 12 mois) : une hétérochromie irienne (notamment des yeux vairons) peut faire évoquer un syndrome de Waardenburg ; des anomalies de pigmentation à type de nodules de Lisch orientent vers une neurofibromatose de type I. Les patients trisomiques 21 peuvent présenter des tâches de Brushfield (tâches blanchâtres sur le pourtour de l'iris).
Les sclérotiques sont également observées ; leur coloration bleutée oriente chez un enfant présentant une fragilité osseuse vers une ostéogénèse imparfaite. Des télangiectasies peuvent orienter vers une ataxie télangiectasie.
Etage moyen de la face (Nez, philtrum, bouche, oreilles)
A l'état normal, de profil, il existe un alignement vertical du front, du philtrum et du menton. Cette ligne verticale permet d'évaluer une rétraction ou une protrusion de cet étage facial.
Au niveau du nez seront décrits les aspects de la racine du nez, de l'arête nasale, des ailes du nez, des narines et de la columelle.
Des malformations sévères peuvent être décrites : c'est le cas du proboscis (nez réduit à une trompe dans la trisomie 13). Un important élargissement voire une bifidité nasale témoigne d'une dysplasie fronto-nasale.
La racine du nez peut aplatie (ensellure nasale, comme dans l'achondroplasie, saillante (par exemple dans le syndrome de Cockayne, certaines crâniosténoses comme le syndrome de Crouzon) ou large ou étroite. L'arête nasale peut étroite ou large, et son extrémité terminale concave ou convexe. Une arête nasale et convexe donne un aspect de profil en bec d'oiseau, comme dans le syndrome de Seckel. Une hypoplasie des ailes du nez associée à une pointe du nez élargie, voire bulbeuse peut rendre compte d'un syndrome vélo-cardio-facial lié à une microdélétion 22q11.2.
Un nez court avec narines antéversées se rencontre dans différents syndromes comme le syndrome de Smith-Lemli-Opitz ou le syndrome d'alcoolisation f?tale.
L'aspect et surtout la situation de la columelle par rapport aux narines sont importants. Une columelle plus basse que les narines se rencontre dans le syndrome de Rubinstein-Taybi, une columelle courte implantée plus haut que le niveau des narines dans le syndrome ATR-X.
Le philtrum est la région anatomique située entre la base du nez et la lèvre supérieure. Il s'examine de face et de profil. Un aspect court du philtrum (diminution de sa hauteur) s'observe dans le syndrome de Cohen, un aspect long dans le syndrome d'alcoolisation f?tale ou dans le syndrome de Cornelia de Lange. Dans le syndrome d'alcoolisation f?tale, le philtrum est également lisse avec effacement des reliefs philtraux (gouttière et piliers) et bombant de profil.
L'examen de la bouche est externe et interne. L'examen externe comporte en premier lieu la taille de la bouche ; les commissures labiales s'inscrivent au milieu des deux lignes verticales externe (passant par la pupille) et inerne (suivant l'aile du nez). Ces repères permettent de définir la macrostomie de la microstomie. Une microstomie est possible dans le syndrome vélo-cardio-facial lié à une microdélétion 22q11.2.
Les fentes labiales concernent habituellement la lèvre supérieure : volontiers latérales dans les fentes classiques, l'existence d'une fente médiane peut orienter vers un syndrome oro-facio-digital.
L'aspect des lèvres est important. En présence d'une fente labiale, l'existence de sinus de la lèvre inférieure doivent être recherchés et orientent vers un syndrome de Van der Woude. Une lèvre supérieure fine oriente vers le syndrome d'alcoolisation f?tale. Des lèvres proéminentes avec éversion de la lèvre inférieure ont typiques du syndrome de Williams. Une éversion de la lèvre supérieure (aspect en « chapeau de gendarme » se rencontre dans le syndrome de Smith-Magenis). L'orientation des commissures labiales en haut ou en bas doit être également notée.
L'examen de la cavité orale comporte les gencives, les dents, le palais et la luette.
Les gencives sont examinées. L'existence de freins nombreux et aberrants se rencontre dans le syndrome oro-facio-digital. Une hypertrophie des gencives se rencontre dans certains syndomes métaboliques de surcharge et après la prise de médicaments (diphénylhydantoïne notamment). Des gencives dentelées, irrégulières sont rencontrées dans le syndrome d'Ellis Van Creveld.
L'examen des dents est fondamental. Un défaut d'éruption dentaire ou un retard à la chute des dents déciduales s'observe dans la dysplasie cléido-crânienne tandis qu'une chute prématurée des dents déciduales ou définitives est fréquente dans l'hypophosphatasie. Les anomalies de nombre (agénésie dentaire, fusion dentaire, de forme (incisives supérieures grandes et larges dans le syndrome de Cohen, anomalies des cuspides caractéristiques dans le syndrome de Rubinstein-Taybi) et de positionnement sont signalées. Les anomalies de l'émail (amélogénèse imparfaite) ou de la dentine (dentinogénèse imparfaite) sont notées.
L'examen de la langue débute par l'appréciation de son volume et de sa position dans la bouche. Une macroglossie est fréquement retrouvée dans le syndrome de Beckwith-Wiedemann. Une langue protruse est retrouvée dans les cas de macroglossie mais aussi dans les situations sans macroglossie avec hypotonie bucco-linguo-faciale (trisomie 21, maladies neuro-musculaires). Une glossoptose accompagne volontiers une séquence de Pierre Robin (comportant également fente palatine et microrétrognathisme). L'aspect de la langue doit être décrit : une langue fendillée, scrotale, se rencontre dans la trisomie 21. Des nodules linguaux hamartomateux avec lobulation de la langue sont fréquents dans le syndrome oro-facio-digital.
Le palais peut être étroit, large, court, ou ogival ; un aspect très ogival « en arche byzantine » est décrit dans le syndrome d'Apert. Une fente palatine doit être recherchée. Le plus souvent médiane elle peut concerner l'ensemble du palais (osseux et mou), voire uniquement le palais mou. Elle peut être sous-muqueuse et dans ce cas uniquement accessible à la palpation, laquelle doit être systématique. Une luette bifide constitue un équivalent mineur de fente palatine. La fente palatine peut être associée à une fente labiale et/ou labio-maxillaire ou être isolée.
L'examen des oreilles évalue en première les anomalies de taille (macrotie ou microtie), leur implantation (haute et surtout basse quand la ligne horizontale tracée entre le canthus externe et l'occiput passe au dessus de l'oreille). L'orientation de l'oreille est également notée et l'on constate une bascule postérieure si l'angle formé entre le grand axe de l'oreille et l'axe vertical est supérieur à 15 degrés. L'aspect dues différentes structures du pavillon est noté (hélix, anthélix, lobule). Dans le syndrome de Noonan, les oreilles sont volontiers bas implantées et basculées en arrière. Les patients présentant un syndrome X-fragile ont classiquement des oreilles grandes et décollées. Des pertuis pré ou rétro-auriculaires évoquent la possibilité d'un syndrome branchio-oto-rénal tandis que l'existence d'appendices pré-tragiens (fibrochondromes ou « tags ») sont classiques dans le syndrome de Goldenhar. La présence d'indentations au niveau du lobule (face antérieure ou postérieure) chez un enfant macrosome évoque un syndrome de Beckwith-Wiedemann.
Etage inférieur de la face (Menton)
L'analyse du menton comporte sa taille (micrognathie essentiellement) et sa position par rapport à l'axe vertical front-philtrum (menton en arrière ou rétrognathie physiologique chez le nouveau-né, pathologique à partir de 6 mois, prognathie). Une rétrognathie fait partie de la séquence de Pierre Robin, elle est habituelle dans le syndrome vélo-cardio-facial lié à la microdélétion 22q11.2 ; un prognathisme est fréquent dans le syndrome d'Angelman.
3- Cou, thorax, et abdomen
Cou
Le cou peut être long ou court, fin ou large. Un ptérygium colli (replis cutanés souvent bilatéraux qui s'étendent de la région mastoïdienne derrière l'oreille jusqu'à l'acromion) est fréquent dans le syndrome de Turner et le syndrome de Noonan, un excès de peau habituel chez les enfants trisomiques 21. Des pertuis ou fistules branchiales peuvent être retrouvées dans le syndrome branchio-oto-rénal.
Thorax
La forme et les reliefs du thorax large sont observés. Un thorax court et étroit est retrouvé dans certaines ostéochondrodysplasies, tels le syndrome de Jeune ou le syndrome d'Ellis Van Creveld. Une déformation thoracique et sternale peut être observée comme un pectus carinatum dans la partie supérieure du thorax (proéminence du sternum) et un pectus excavatum dans sa partie inférieure (enfoncement de la partie inférieure du sternum) dans le syndrome de Noonan. L'absence de clavicule, permettant de ramener le bras sur la face antérieure du thorax, est classique dans la dysplasie cléido-crânienne. Une augmentation de la distance inter-mamelonnaire peut être mesurée, notamment aussi dans le syndrome de Noonan. Des mamelons surnuméraires sont fréquemment retrouvés dans certains syndromes avec macrosomie, notamment le syndrome de Simpson-Golabi-Behmel.
La courbure rachidienne est également appréciée. Une scoliose (déviation latérale du rachis) est fréquente dans le syndrome de Noonan, une cyphose thoracique classique chez le nourrisson avec achondroplasie, une hyperlordose lombaire fréquente chez l'enfant et l'adulte avec achondroplasie.
Abdomen
L'examen appréciera notamment la qualité de la paroi. Le diagnostic de laparoschisis (défaut latéral de fermeture) est évident. La présence d'une omphalocèle (défaut médian de fermeture) ou d'un diastasis des muscles grands droits peut orienter vers un syndrome de Beckwith-Wiedemann chez un nouveau-né macrosome. L'existence de hernies, inguinales notamment, sera recherchée.
4 - Organes génitaux, région sacro-anale
Des troubles de la différenciation génitale externe, fréquents dans les syndromes génétiques malformatifs, seront recherchés. Chez le garçon, la taille de la verge est mesuréee, ainsi que la position des testicules ; en cas d'hypospadias, son type anatomique est noté. Chez la fille, l'on recherche d'éventuels signes de virilisation. Une antéposition ou une imperforation anale est fréquente dans l'association VACTERL, dans le syndrome Cat-Eye ou le syndrome de Townes-Browcks.
5 - Membres et extrémités
Membres
La taille des membres permet de définir une dolichosténomélie (allongement des membres, constaté dans le syndrome de Marfan ou le syndrome de Klinefelter) et une micromélie (raccourcissement des membres fréquent dans un grand nombre d'ostéochondrodysplasies) ; la micromélie peut être globale, intéressant tous les segments de membres, ou prédomine sur l'un segment de membre.
Des anomalies réductionnelles, terminales, transverses (phocomélie) ou longitudinales voire une amélie sont recherchées.
Une asymétrie droite-gauche de la taille des membres chez un enfant présentant un retard de croissance peut faire évoquer un syndrome de Silver-Russel.
Cet examen clinique peut être complété par un examen radiologique.
Extrémités
L'examen des extrémités a une place capitale.
Le nombre de doigts et d'orteils est vérifié. Des doigts ou orteils surnuméraires définissent une polydactylie, laquelle peut être préaxiale (du côté du pouce ou de l'hallux), centrale ou post-axiale (du côté du cinquième doigt ou du cinquième orteil). Une polydactylie post-axiale est fréquente dans la trisomie 13. Une absence de pouce est fréquente dans l'association VACTERL, l'anémie de Fanconi et le syndrome de Townes-Brockes. Des amputations des doigts ou d'orteils éventuellement associés à des anneaux de striction peuvent résulter de brides amniotiques.
Les tailles des mains et des pieds sont comparées aux abaques pour l'âge. Des extrémités petites (acromicrie) sont rencontrées dans de nombreux syndromes avec chondrodysplasies mais aussi dans le syndrome de Prader-Willi. Certaines chondrodysplasies entraînent un raccourcissement des métacarpiens et des phalanges. Un raccourcissement électif du 4ème métacarpien, mieux observé en faisant fermer le poing, est fréquent dans le syndrome de Turner. Des extrémités grandes sont retrouvées dans les syndromes avec macrosomie (syndrome de Beckwith-Wiedemann, syndrome de Sotos, syndrome de Marfan dans lequel les doigts sont très allongés réalisant une arachnodactylie). Une macrodactylie (croissance exagérée d'un doigt) peut témoigner d'un syndrome de Protée. Des pouces et hallux, larges, parfois dupliqués et déviés vers l'axe radial sont habituels dans le syndrome de Rubinstein-Taybi. Un aspect en baguette de tambour des phalanges distales est habituel dans le syndrome de Coffin-Lowry tandis que des phalanges longues et effilées se rencontrent dans la microdélétion 22q11.2.
Une limitation de la mobilité des articulations interphalangiennes rend compte d'une arthrogrypose distale. Des mains crispées constituent un signe habituel de trisomie 18. Une position en flexion partielle irréductible de l'articulation interphalangienne proximale définit la camptodactylie. Une déviation latérale des doigts sur le plan radio-cubital définit la clinodactylie (fréquemment associée à une brachymésophalangie). Une clinodactylie des cinquièmes doigts avec brachymésophalangie est fréquente dans la trisomie 21, et dans le syndrome de Silver-Russel. Des pouces adductus (rentrant dans la paume) peuvent témoigner d'une souffrance cérébrale majeure éventuellement d'origine génétique comme le syndrome MASA (hydrocéphalie liée à l'X).
Une syndactylie correspond à la fusion d'un ou plusieurs doigts ou orteils. Cette fusion peut être uniquement cutanée, mais aussi plus sévère avec fusion osseuse. Des syndactylies sont fréquentes dans la triploïdie. Des syndactylies très sévères peuvent résulter en une fusion totale des doigts comme dans le syndrome d'Apert associant une crâniosténose. Une syndactylie des deuxième et troisième orteils, fréquente dans l population générale, évoque chez un enfant polymalformé et présentant un retard de croissance un syndrome de Smith-Lemli-Opitz. La syndactylie peut s'associer dans de nombreux syndromes à une polydactylie réalisant une polysyndactylie.
L'étude des dermatoglyphes compote l'analyse des plis de flexion de la paume des mains et des doigts ainsi que l'aspect des pulpes des doigts. Habituellement la paume de la main est traversée partiellement de deux plis de flexion grossièrement parallèles. En présence d'un pli unique traversant entièrement la paume, l'on parle de pli palmaire transverse unique, classique dans la trisomie 21, également rencontrée dans de nombreux syndromes génétiques mais aussi dans 5 % de la population générale. L'aspect de plis est analysé : volontiers profonds dans le syndrome de Costello ou dans la trisomie 8 en mosaïque, ils sont absents ou très peu marqués en cas d'arthrogrypose distale.
L'étude des figures au niveau de la pulpe des doigts, définissant des tourbillons, des arches et des boucles, très utilisée il ya quelques années, l'est probablement moins actuellement. L'aspect de coussinets palmaires (dénommées « fingerpads ») se rencontre, entre autres syndromes génétiques, dans le syndrome de Kabuki.
6- Peau et phanères
Peau
L'aspect de la peau peut orienter vers un syndrome particulier. Une peau fragile, ecchymotique, élastique peut orienter vers un syndrome d'Ehlers-Danlos.
Des anomalies de pigmentation, suivant notamment les lignes de Blashko, se rencontrent dans les syndromes chromosomiques en mosaïque (avec présence de l'anomalie chromosomique dans certaines cellules uniquement). La présence de tâches café au lait multiples, de neurofibromes oriente vers une neurofibromatose de type I. L'existence de tâches achromiques chez un patient présentant des angiofibromes des pommettes et des tumeurs unguéales (tumeurs de Koenen) est très évocatrice d'une sclérose tubéreuse de Bourneville. Dans le syndrome de Noonan, les lésions cutanées sont habituelles à type de naevi multiples, de tâches café au lait ou de lentigines.
Un ?dème sous-cutané, témoignant de troubles de la circulation lymphatique, se rencontre dans le syndrome de Turner et également dans le syndrome de Noonan.
Cheveux et poils
L'appréciation doit être quantitative et qualitative. Une hypertrichose est fréquente dans le syndrome de Cornelia de Lange, ou dans le syndrome d'alcoolisation f?tale. Une raréfaction de cheveux et de poils, associée à des anomalies dentaires et unguéales, peut témoigner d'une dysplasie ectodermique. Une raréfaction localisée aux régions temporales des cheveux peut évoquer un syndrome de Pallister-Killian. Une implantation basse des cheveux et/ou en forme de trident est classique dans le syndrome de Turner et dans le syndrome de Noonan.
L'aspect qualitatif des cheveux est également noté. Une mèche dépigmentée sur le front peut évoquer un syndrome de Waardenburg. Des cheveux fins, laineux, difficilement coiffables sont fréquents dans le syndrome de Noonan.
LES BASES DE DONNEES EN DYSMORPHOLOGIE
Les bases de données d'aide au diagnostic informatisé constituent actuellement un outil précieux pour le généticien, compte tenu du nombre élevé de syndromes, volontiers exceptionnels. Ces bases existent sous forme de logiciels, ou sont diffusées en ligne avec une actualisation régulière.
Si cet outil est fort utile pour confirmer une hypothèse diagnostique ou discuter plusieurs syndromes, il ne remplace en aucun cas l'expérience clinique et sa « rentabilité » dépend de la justesse des signes rapportés, de leur spécificité, et de l'analyse critique des diagnostics suggérés.
ASPECTS ETHIQUES EN SYNDROMOLOGIE
L'examen dysmorphologique, en recherchant des anomalies morphologiques externes, peut s'avérer traumatisant pour l'enfant et ses parents. Les parents ne sont habituellement pas avertis au préalable de la réalisation de cet examen au cours de la consultation. La description d' « oreilles bas implantées », d' »yeux trop écartés » (...) peut avoir des conséquences beaucoup plus dramatiques que l'annonce d'une malformation rénale dont le pronostic peut être en fait plus sombre. En effet, cette description d'anomalies physiques renvoie au narcissisme des parents et à la place de cet enfant au sein de sa famille par ses ressemblances physiques.
Tout doit donc être mis en ?uvre afin d'éviter une réaction de rejet. Tout d'abord, en début de consultation, la démarche du bilan génétique (enquête familiale, antécédents de l'enfant, examen clinique morphologique de l'enfant, prise de sang éventuelle pour analyses génétiques) doit être énoncée. Avant l'examen, il convient de rappeler que la recherche de particularités physiques s'inscrit bien dans notre démarche puisqu'une anomalie génétique est responsable d'un trouble du développement des organes internes (cerveau, c?ur, reins...) mais aussi externes. Lors de l'examen, il faut éviter un « catalogue » dysmorphologique très inquiétant et plutôt en donner les conclusions (l'examen physique nous oriente vers tel ou tel diagnostic ou n'apporte pas d'élément d'orientation).
La prise de photographies, indispensable au médecin généticien, doit également être expliquée afin de ne pas stigmatiser encore plus l'apparence physique. Il s'agit d'expliquer à l'enfant et à ses parents que l'examen physique constitue une donnée importante, que ces photographies constituent une pièce du dossier médical, confidentielle au même titre que des radiographies ou un électrocardiogramme, et qu'elles sont susceptibles d'être discutées auprès des autres médecins du service, voire de généticiens d'un autre Hôpital lors de réunions de dossiers. Un consentement écrit à la réalisation et la diffusion de ces photographies doit être signé par l'autorité parentale.