Epidémiologie :
- L'incidence du syndrome de Noonan est fréquente, évaluée à 1 sur 1000 à 1 sur 2500 naissances vivantes.
Description clinique :
- Le syndrome de Noonan est un syndrome génique caractérisé par un retard statural, une morphologie crânio-faciale évocatrice et une atteinte cardiaque.
- Le diagnostic du syndrome de Noonan est essentiellement clinique.
- Néanmoins, la reconnaissance du syndrome peut être difficile, en particulier chez l'adulte.
- Il existe une importante variabilité d'expression clinique et le phénotype morphologique s'atténue avec l'âge.
Typiquement, le syndrome de Noonan associe :
1 - Troubles de la croissance - Troubles endocriniens
- La taille et le poids sont habituellement dans les limites de la normale à la naissance ; la taille peut être discrètement abaissée, à 47-48 cm à terme. Le poids de naissance est parfois augmenté chez certains enfants, en raison de la fréquence d'un œdème sous-cutané. Les premiers mois de vie sont marqués par une mauvaise prise de poids rapportée dans 63 % des cas, liée en partie à des difficultés alimentaires comportant des troubles de succion-déglutition, un refus alimentaire et un reflux gastro-oesophagien fréquent. En général, ces troubles qui s'atténuent après l'âge de 2 ans, peuvent disparaître mais il est volontiers décrit chez ces enfants un « petit appétit ».
- Le retard statural débute en général vers l'âge de 1 à 2 ans, similaire dans les deux sexes. Pendant l'enfance, la croissance moyenne évolue dans le couloir du 3ème percentile pour la taille et le poids. Il est décrit néanmoins des profils de croissance atypiques avec une cassure staturale retardée après 6 ans chez un enfant dont la croissance évoluait jusqu'alors à la moyenne. Il existe un retard d'âge osseux, de 2 ans environ par rapport à l'âge chronologique. Le périmètre crânien est habituellement normal, parfois abaissé au 3ème percentile.
- La taille finale spontanée chez l'adulte est de 162.5 cm chez l'homme et 152.7 cm chez la femme. Des courbes de croissance spécifiques aux patients atteints de syndrome de Noonan ont été rapportées.
- Le mécanisme physiopathologique du retard statural reste mal compris. Il est couramment admis qu'il n'existe habituellement pas d'insuffisance somatotrope ; néanmoins, des anomalies de l'axe GH/IGF1 sont rapportées dans 10 à 45 % des cas.
- Un traitement par GH peut être proposé dans le syndrome de Noonan. Les résultats sont variables selon les patients.
- La puberté est volontiers retardée dans les deux sexes, en moyenne de 2 ans, et le pic de croissance pubertaire souvent réduit voire absent. En moyenne, la puberté débute à l'âge de 14 ans chez les filles, de 14,5 ans chez les garçons. Cette puberté retardée reste spontanée (6 % seulement des patients nécessiteraient la mise en place d'un traitement inducteur).
2 - Eléments morphologiques évocateurs
Face
- Chez le nouveau-né et le nourrisson : les nouveaux-nés ont souvent un œdème marqué avec un excès de peau nucale. Le front est large et haut ; les fentes palpébrales sont orientées en bas et en dehors, un hypertélorisme est habituel, ainsi qu'un épicanthus. Un strabisme est fréquent. Les narines sont antéversées, le philtrum volontiers long et marqué. Le palais est ogival. Il existe un micrognathisme. Les oreilles sont bas implantées, basculées en arrière et dysplasiques avec un hélix épais. Le cou est court, avec un excès de peau nucal et une implantation basse des cheveux sur la nuque. Un pterygium colli peut être présent.
- Chez l'enfant : Le contour de la face devient plus triangulaire : les traits du visage sont volontiers décrits comme grossiers, voire myopathiques. Les yeux sont proéminents et un ptosis uni ou bilatéral est souvent présent. Les lèvres s'épaississent, les plis nasogéniens s'accentuent. Les cheveux sont souvent bouclés et laineux avec une implantation basse en arrière sur la nuque, voire une implantation en trident.
- Chez l'adolescent et le jeune adulte : les yeux sont moins proéminents, le visage s'allonge et le cou paraît moins court. Le pterygium colli, s'il était présent, persiste habituellement et s'accompagne d'une hypertrophie des trapèzes.
- Chez l'adulte mûr, la dysmorphie est volontiers subtile, difficilement reconnaissable ; les traits du visage apparaissent volontiers vieillis, avec une implantation haute des cheveux sur le front, une accentuation des sillons naso-géniens, un épaississement des paupières et un aspect ridé de la peau.
Thorax
- Une déformation thoracique et sternale est classique (70 à 95 %), à type de pectus carinatum dans la partie supérieure du thorax (proéminence du sternum) et de pectus excavatum dans sa partie inférieure (enfoncement de la partie inférieure du sternum).
- Le thorax est large et l'on signale une augmentation de la distance inter-mamelonnaire.
- Environ 15 % des patients développent une scoliose dorsale.
Membres
- L'examen des membres met en évidence un cubitus valgus (50%), une clinobrachydactylie prédominant aux cinquièmes doigts (30%), une hyperlaxité articulaire (50%) et des pieds en varus équin (12%).
- Il existe volontiers une brachydactylie de l'ensemble des doigts, des plis profonds au niveau des mains et des pieds et, des coussinets de la pulpe des doigts.
- Un excès de peau au niveau des doigts est volontiers décrit. Les dernières phalanges sont assez trapues, d'aspect carré.
3 - Syndrome malformatif
- Malformations cardiaques : elles constituent les malformations les plus fréquentes et les plus typiques du syndrome de Noonan. Par ordre de fréquence, l'on distingue:
- La sténose de la valve pulmonaire, sur valve dysplasique rapportée dans 50 à 62 % des cas.
- La cardiomyopathie hypertrophique, avec hypertrophie asymétrique du septum, présente dans 20 % des cas.
- Une communication inter-auriculaire est présente dans 6 à 10 % des cas, une communication inter-ventriculaire dans 5 % des cas et la persistance du canal artériel dans environ 3 % des cas.
- Les autres malformations cardiaques sont plus rares : canal atrio-ventriculaire, valve mitrale dysplasique.
L'électrocardiogramme met en évidence des complexes QRS larges, volontiers négatives en précordial gauche. Une déviation gauche de l'axe cardiaque et des ondes Q géantes ont également été signalées.
- Malformations réno-urinaires : présentes dans 10 % des cas, elles sont dominées par une hydronéphrose, un reflux vésico-urétéral et une sténose pyélo-urétérale.
- Malformations génitales : une cryptorchidie est fréquente chez le nouveau-né de sexe masculin (77 %). Il n'a pas été rapporté d'anomalies des organes génitaux féminins.
- Malformations squelettiques: elles consistent en une synostose radio-cubitale (2 %), une clinobrachydactylie (30 %) et des pieds varus équins (12 %).
- Anomalies hépato-spléniques: une hépatosplénomégalie, sans troubles fonctionnels associés et indépendante de la fonction cardiaque, est présente dans un quart à la moitié des enfants et semble moins fréquente chez l'adulte.
4 - Manifestations hématologiques et tumorales
Troubles de coagulation :
- Une tendance aux saignements (notamment hématomes fréquents, persistant et survenant lors de traumatismes mineurs) est rapportée dans plus de 55 % des cas et apparaît plus fréquente dans l'enfance.
- Un syndrome hémorragique sévère est rare, décrit dans 3 % des cas. L'étude de la coagulation peut mettre en évidence, de façon isolée ou combinée, un allongement du temps de saignement, des déficits habituellement modérés en facteurs VIII, XI et XII, une thrombopénie rare et des anomalies de la fonction plaquettaire.
- Néanmoins, il n'existe pas de corrélation évidente entre les résultats biologiques et l'importance des manifestations cliniques et ces tests ne sont donc pas prédictifs du risque hémorragique. Ce risque hémorragique doit être pris en compte en cas d'intervention chirurgicale.
Risque prolifératif :
- Des leucémies aiguës et des syndromes myéloprolifératifs ont été rapportés chez quelques patients.
Des tumeurs à cellules géantes de la joue ont également rapportées dans ce syndrome.
5 - Troubles vasculaires
- Une dysplasie des vaisseaux lymphatiques est fréquente dans le syndrome de Noonan (20 %). Elle conduit à un lymphœdème parfois généralisé, plus souvent des lymphœdèmes périphériques, parfois à des lymphangiectasies pulmonaires ou intestinales. Une manifestation commune est une lymphœdème de la face dorsale des mains et des pieds, présent à la naissance et qui persiste chez le nourrisson pour s'atténuer ou disparaître pendant l'enfance.
- Cette dysplasie lymphatique est de survenue précoce et se manifeste dès la période anténatale. Un hygroma colli est volontiers rapporté au cours du suivi échographique des fœtus, parfois compliqué d'un anasarque. Cet hygroma colli régresse habituellement au cours de la grossesse et résulte à la naissance en un excès de peau nucale voire un ptérygium colli. Un chylothorax peut également être observé en anténatal comme en postnatal et il n'est pas rare qu'un épanchement péricardique voire thoracique d'origine chyleuse viennent compliquer la chirurgie cardiaque.
6 - Dysplasie pigmentaire
- Les anomalies de la pigmentation cutanée sont fréquents et incluent des naevi pigmentés nombreux et disséminés sur l'ensemble du corps (25 %), des tâches café-au-lait (10 %) et des lentigines (3 %). Un ulérythème (kératose pilaire atrophique) des sourcils est présent dans 14 % des cas. Un eczéma, parfois sévère, est fréquent chez le nourrisson et l'enfant.
- Le syndrome de Noonan s'accompagne volontiers d'une kératose pilaire, plus fréquente aux membres supérieurs. Les cheveux sont volontiers secs, épais et frisés mais 10 % des patients ont une chevelure fine et clairsemée.
7 - Troubles sensoriels
- Anomalies ophtalmologiques : Un strabisme est rencontré chez environ la moitié des patients, un nystagmus dans chez 10 % environ. Les troubles visuels consistent en des troubles de la réfraction (61 %), moins fréquemment une amblyopie (33 %). Des anomalies du segment antérieur (63 %) ainsi que des anomalies du fond d'œil (20 %) ont été rapportées.
- Anomalies auditives : Les otites moyennes sont très fréquentes dans la petite enfance, souvent pauci-symptomatiques et sou-diagnostiquées, conduisant à une baisse de l'acuité auditive chez environ un tiers des patients. Une surdité d'origine neuro-sensorielle est plus rare (10 %) touchant volontiers les tonalités aiguës.
8 - Fertilité
- La fertilité des femmes est normale.
- Pour les hommes, elle dépend de l'existence d'une cryptorchidie et de sa prise en charge. Une cryptorchidie à la naissance est fréquente chez le garçon (77%). Des taux élevés de FSH et une altération du spermogramme sont présents uniquement chez les hommes adultes opérés tardivement de la cryptorchidie.
9 - Un développement psycho-moteur variable
- Un décalage des acquisitions motrices n'est pas rare, le plus souvent attribuée à l'hypotonie musculaire fréquente chez le nourrisson. L'âge moyen d'acquisition de la station assise est de 10 mois, celui de la marche de 21 mois.
- Un retard de langage est fréquent (phrases simples à partir de 2 ans et demi). Des troubles de l'articulation sont rapports chez plus de deux tiers de patients. Un déficit cognitif est présent dans 15 à 35 % des cas selon les études.
- Il est caractérisé par des troubles spécifiques des capacités visuo-constructives et un déficit des performances verbales.
- Le Q.I. moyen est de 85, avec néanmoins une grande variabilité. Des troubles du comportement incluent maladresse motrice, troubles d'alimentation, agitation, obstination, écholalie et irritabilité ainsi que des troubles de l'attention sont fréquemment rapportés.
Génétique
- Le syndrome de Noonan est transmis sur le mode autosomique dominant mais les cas sporadiques sont nombreux. Le gène majeur du syndrome de Noonan est le gène PTPN11, localisé sur le chromosome 12. Le gène PTPN1 code une protéine tyrosine phosphatase SHP-2. L'enzyme est impliquée dans une large variété de cascades de signaux intracellulaires en aval des récepteurs pour des facteurs de croissance, de cytokines et hormones. Cette protéine est donc impliquée dans plusieurs voies de développement. Une mutation, de type faux-sens, est identifiée à l'état hétérozygote dans environ 50 % des cas.
- D'autres gènes, impliqués dans la même voie de signalisation (PTPN11, KRAS, SOS1, RAF1), ont été identifiés récemment. L'ensemble de ces gènes explique environ 70 % des syndromes de Noonan identifiés cliniquement.
Conseil génétique et Diagnostic Prénatal
Le syndrome de Noonan se transmet sur le mode autosomique dominant. Un sujet atteint a ainsi une probabilité de 50 % de transmettre l'affection à sa descendance, quel que soit le sexe de l'enfant à naître.
Le diagnostic d'un syndrome de Noonan chez un enfant doit conduire à la réalisation d'une enquête familiale chez les parents de l'enfant. En effet, il peut s'agir chez l'enfant soit d'une mutation de novo, survenue chez lui de façon accidentelle, soit d'une mutation héritée de l'un de ses parents. Un entretien précis et un examen clinique rigoureux doit être réalisé chez les parents, d'autant que la variabilité phénotypique, parfois très importante dans ce syndrome même en intra-familial, peut conduite à des formes pauci-symptomatiques, de diagnostic difficile.
Si la mutation causale a été identifiée chez l'enfant, une étude moléculaire chez les deux parents peut être proposée :
- Si une mutation est identifiée chez l'un des parents, une prise en charge clinique et paraclinique, en particulier cardiaque, sera proposée. Dans ce cas, il s'avère nécessaire de poursuivre l'enquête familiale, auprès des autres enfants du couple et des apparentés du parent atteint. Le risque de récidive pour une autre grossesse du couple est de 50 %.
- Si aucune mutation n'est identifiée chez les parents, il s'agit d'une mutation de novo. Il n'est pas nécessaire dans ce cas de poursuivre l'enquête familiale. Le risque de récurrence pour la descendance de ce couple est faible, évaluée à 1 % environ (liée à la possibilité d'un mosaïcisme germinal, c'est-à-dire la co-existence possible au sein des gamètes parentaux de gamètes normaux et de gamètes mutés.
Un diagnostic prénatal peut être discuté si une mutation a été identifiée au préalable. Il sera réalisé après biopsie de villosités choriales ou amniocentèse. Néanmoins, la mise en évidence de la mutation chez le fœtus ne permet en aucun cas de prédire le phénotype, ce qui soulève des questions éthiques fondamentales.
Si aucune mutation n'a été identifiée, seul un suivi échographique pourra être proposé chez un couple à risque. La mise en évidence d'un hygroma colli, voire d'un anasarque et/ou d'une cardiopathie fera suspecter une récidive, après exclusion d'une cause chromosomique.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel essentiel est le syndrome de Turner (formule chromosomique: 45,X). Le syndrome de Turner associe un retard de croissance, à prédominance postnatale, un syndrome dysmorphique assez proche (hypertélorisme, fentes palpébrales orientées en bas et en dehors, ptérygium colli, thorax de forme anormale) ainsi que des malformations cardiaques et rénales fréquentes. Néanmoins, les malformations cardiaques dans le syndrome de Turner concernent plus volontiers le cœur gauche (sténose de l'isthme aortique très caractéristique) tandis que la malformation cardiaque la plus typique du syndrome de Noonan est un rétrécissement pulmonaire. Par ailleurs, le syndrome de Turner ne concerne que les filles tandis que le syndrome de Noonan touche les deux sexes de façon équivalente (et pas seulement les garçons comme le suggérait l'ancienne dénomination d'un syndrome de Noonan « Turner-Mâle »). Dans ce contexte, la réalisation d'un caryotype doit être systématique dans ce contexte clinique.
Des syndromes apparentés sur le plan clinique et dont les gènes identifiés appartiennent à la même voie de signalisation sont rapportés :
- Le syndrome LEOPARD, cliniquement très proche du syndrome de Noonan, s'en distingue uniquement par une atteinte dermatologique plus sévère avec présence de nombreuses lentigines. Il est lié à des mutations du gène PTPN11.
- Le syndrome cardio-facio-cutané associé un retard psychomoteur modéré, une hypotonie, des difficultés d'alimentation sévères, une macrocéphalie relative, une cardiopathie et des anomalies ectodermiques. Des mutations dans plusieurs gènes impliqués dans la même voie de signalisation ont été identifiées.
- Le syndrome Costello associe un retard de croissance, des troubles cognitifs, un syndrome dysmorphique avec des traits épais et une cardiopathie, des anomalies dermatologiques à type d'acanthosis nigricans et de papillomatose et est lié à des mutations du proto-oncogène HRAS, impliqué dans la même voie de signalisation.
- Le syndrome Noonan-Neurofibromatose associe une neurofibromatose de type 1 à un retard staturo-pondéral, une hypotonie, un syndrome dysmorphique de type Noonan. Il est lié à des mutations du gène NF1.